Michel Gurfinkiel

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Michel Gurfinkiel

France/ Itamar et la "classe opinante"

""Elad, 3 ans. Egorgé dans son lit.

Les médias français refusent de parler du massacre d'Itamar, en Cisjordanie. Cela irait contre la "doxa", l'idéologie d'Etat à laquelle, sans même le savoir, ils obéissent…

La civilisation repose d’abord sur le respect de la vie d’autrui : « Tu ne tueras pas ». Puis sur celui des morts.

 

A Itamar, en Samarie, des assassins pénètrent, en pleine nuit, dans un village juif. Ils forcent une porte, s’introduisent dans une maison. Des enfants dorment. Un bébé geint dans son berceau. Dans la chambre voisine, les parents rêvent. Les assassins frappent. Sans bruit. Sans pitié. A coups de couteau. Poitrines transpercées, gorges tranchées. Cinq vies détruites. Le lendemain, en Cisjordanie, à Gaza, les organisations nationalistes ou islamistes palestiniennes distribuent des bonbons et d’autres douceurs aux passants. Pour fêter l’événement.

 

Une partie des médias occidentaux, et tout particulièrement des médias français, a pour ainsi  dire ignoré ce crime, et ces réactions. Certes, la couverture, la « une », ne pouvait revenir qu’aux événements de très grande ampleur qui se déroulaient au même moment, du Japon à la Libye. Mais Itamar n’a même pas été traité en dernière page. Un média généraliste, sur papier ou en ligne, publie en moyenne une demi-douzaine d’éditoriaux par jour ou par semaine : aucun, en France, n’a été consacré au quintuple meurtre. Ce n’est plus hiérarchiser l’information ou le commentaire. C’est entrer dans une logique d’omission. Ou plus précisément d’omerta.

 

Pourquoi une telle attitude ? Les médias concernés n’ont pas voulu s’en expliquer. Mais leur raisonnement va de soi. Selon eux, Itamar est une « colonie », dans ce qui est censé être un pays occupé, « la Palestine ». Les victimes sont donc coupables. Plutôt que de le rappeler, il vaut  mieux étouffer l’affaire dans son ensemble… Simple affaire de décence, en quelque sorte.

 

Curieusement, les médias omertistes n’ont pas songé à reconsidérer leur attitude quand le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a déclaré deux jours plus tard que le massacre d’Itamar était « méprisable, immoral et inhumain » : ce qui revenait à récuser l’idée d’une culpabilité intrinsèque des « colons ». Abbas est le chef d’Etat de la « Palestine occupée ». Venant de lui, l’objection revêt quelque autorité. Mais les médias suivent leur logique. Aux faits de s’y plier, coûte que coûte.

 

Si Abbas condamne le crime perpétré à Itamar, ce n’est pas par sympathie excessive envers des Israéliens ou des Juifs. Mais parce qu’il doit tenir compte – au moins par moments – d’un environnement international et de quelques règles du droit.

 

L’Autorité palestinienne existe en vertu des accords d’Oslo de 1993. Ceux-ci prennent acte, parallèlement, de la présence de localités civiles israéliennes en Judée et en Samarie : sous réserve d’en négocier le statut définitif dans le cadre d’un traité de paix israélo-palestinien. La version anglaise du texte, qui fait foi, ne parle pas de « colonies israéliennes », au sens que ces mots revêtent aujourd’hui en français, mais emploie le terme neutre de settlements, « établissements », qui s’applique à toute installation d’une population, quelle qu’elle soit, dans un endroit donné. Bien entendu, les habitants de ces localités ont droit, comme tout être humain, à la sécurité et à la tranquillité. Mais pour la plupart des journalistes et intellectuels français – la classe opinante – , ce sont là des arguties. Les Juifs d’Itamar et des autres « colonies » ne peuvent être que des « colons ». Donc coupables, forcément coupables.

 

D’où ces milieux tiennent-ils leurs convictions ? On est tenté de répondre : du gouvernement français, qui ne cesse de le dire et de le répéter. Ils en dépendent en effet, à un point confondant : qu’ils soient universitaires d’Etat (il n’y a pas d’université privée digne de ce nom en France) ; stipendiaires de fondations étatiques ou para-étatiques ; employés salariés ou prestataires de médias d’Etat (télévisions, radios, sites en ligne) ou  liés directement ou indirectement à l’Etat. Mais en même temps, le gouvernement dépend d’eux, ou plutôt de la doxa ou pensée unique, mi-maurrassienne, mi-marxiste, qu’ils ne cessent de produire, reproduire, délayer, depuis plusieurs décennies.

 

Ce système clos, étanche, où Etat et doxa se nourrissent l’un de l’autre, bloque sans cesse les vrais débats : en politique intérieure comme en politique internationale. Il entretient et aggrave le « mal français » dans son ensemble. Mais ceci est une autre histoire.

 

 

(c) Michel Gurfinkiel, 2011

 

 

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