Sur le Vif 8/ Les mots et les choses

Christine Lagarde.

Où l'embarras des mots traduit l'absence de pensée.

Les femmes politiques françaises sont à l’étroit dans leur vocabulaire. La candidate socialiste Ségolène Royal nous régalait naguère de nl’incomparable « bravitude ». Christine Lagarde, ministre UMP des Finances, invente le terme de « rilance » – contraction de « rigueur » et « relance » – pour justifier son action. Quelques jours auparavant,  Martine Aubry, première secrétaire du parti socialiste, avait recouru à un mot anglais, care, pour expliquer son « projet de société ».

On dira que ces dames ont besoin de termes inédits, inouïs, pour exprimer des concepts qui ne le sont pas moins. Admettons. Mais une idée nouvelle qui n’est pas intelligible est une idée mort-née. « Bravitude » amuse, « rilance » fait rire (cela sonne comme du Poppeck), care intrigue. Aucun de ces mots ne parle. Aucun ne touche. Il faut du talent, et peut-être du génie, pour sortir du vocabulaire courant. Il faut avoir un sens profond de la langue, de son rythme, de sa musique. La sanction, quand on s’égare, est sans appel.

Mais si nos dames ne parviennent pas à trouver leurs mots, c’est peut-être aussi qu’elles n’ont pas vraiment d’idées. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». Et ce qui se conçoit s’énonce. Qu’entendait réellement Royal par « bravitude » ? Aurait-elle été capable de l’expliquer ? Lagarde a-t-elle bien senti que « rilance » était un oxymore, une contradiction dans les termes, donc probablement un non-sens ? Et Aubry qu’elle ne propose à la France, à travers le care anglais, que des soins compassionnels et palliatifs ? J’en doute, dans les trois cas.

Et je ne crois guère, pour être franc, que les hommes politiques, en dépit d’un vocabulaire plus terne, soient mieux partagés.

© Michel Gurfinkiel, 2010