Les rois arabes confient leurs chiens à Israël. L’Autorité palestinienne refuse que les enfants arabes soient soignés en Israël.
Cela se passe au mois de janvier dernier. Un patient de marque est admis, sous bonne escorte, à l’hôpital vétérinaire Beith-Dagan, en Israël : le chien préféré du roi Abdallah II de Jordanie et de son épouse, la reine Rania. Dans le passé, l’animal a été soigné à plusieurs reprises par des experts de cet établissement : soit sur place, soit à Amman. Cette fois, son état est trop grave : il doit être placé dans une unité de réanimation. Au bout de quelques jours, il meurt. Sa dépouille est ramenée en Jordanie, avec les honneurs qui lui sont dus. L’équipe médicale israélienne exprime ses « profonds regrets ».
Au même moment, la guerre fait rage à Gaza, entre Israël et le Hamas. De nombreux blessés palestiniens sont hospitalisés en Israël. Les télévisions du monde entier filment leur arrivée, leur admission en soins intensifs ou dans des services de chirurgie d’urgence. Le premier objet de tels reportages est évidemment de stigmatiser la « disproportion » militaire israélienne (pour reprendre la formule qu’emploie alors le président de la République française). Mais il y a, dans les images qu’on diffuse, une contradiction que de nombreux téléspectateurs finissent par le relever : si les Israéliens sont des « barbares », pourquoi soignent-ils leurs « victimes » ? Et pourquoi celles-ci acceptent-elles d’être conduites chez eux ?
L’affaire se corse quand les mêmes télévisions mènent l’enquête un peu plus loin, et évoquent les malades ordinaires, non seulement palestiniens mais originaires du monde arabe tout entier, y compris de pays ne reconnaissant pas Israël, qui affluent en permanence dans les hôpitaux de Jérusalem, Tel-Aviv, Haifa, Beershevah. Finalement, le ministre palestinien de la Santé publique, Fathi Abou Moughli, décide de réagir. Il signe, toujours au mois de janvier, une directive qui suspend, pour les ressortissants des Territoires palestiniens, le remboursement des soins dispensés dans des établissements israéliens. Fathi Abou Moughli appartient au Fatah, le parti palestinien dit « modéré » du président palestinien Mahmoud Abbas. Il siège dans un gouvernement dirigé par Salem al-Fayed, l’un des rares hommes politiques palestiniens qui se soient insurgés, au début des années 2000, contre la dictature sanglante, corrompue et suicidaire de Yasser Arafat. Ni Abbas, ni al-Fayed ne l’ont empêché de promulguer son décret.
Abou Moughli affirme dans un premier temps que sa décision ne s’applique qu’aux résidents de Gaza. Ceux-ci ne relèvent depuis 2007 que du régime de facto institué par le Hamas. On peut donc voir dans la démarche du ministre palestinien une manœuvre purement politique dirigée contre une organisation concurrente. Ce qui ne change rien à son caractère à la fois odieux et dérisoire.
Mais Abou Moughli étend rapidement sa décision aux résidents de Cisjordanie qui, du fait de la réoccupation militaire du Territoire par Israël en 2002, sont restés sous le contrôle du Fatah. Dans une interview à Associated Press, il déclare que son but est de « délivrer les Palestiniens de leur dépendance envers la médecine israélienne », et de priver Israël « d’une campagne de propagande… payée par l’Autorité palestinienne…».
Du jour au lendemain, les résident des Territoires palestiniens victimes d’infarctus ou d’accidents cardiovasculaires ne sont plus conduits dans les hôpitaux israéliens (situés, le plus souvent, à quelques kilomètres à peine) où ils pourraient être sauvés. Le même sort frappe les malades de longue durée, dont la survie dépend de chimiothérapies, de radiothérapies ou de transplantations d’organe en milieu hospitalier israélien.
Asil Manasra a six ans. Depuis huit mois, elle est soignée à l’hôpital Hadassah de Jérusalem pour une tuberculose qui est apparue en dépit d’une vaccination opérée par les services sanitaires de l’Autorité palestinienne. Au mois de février, en vertu de la directive Abou-Moughli, elle ne peut plus se rendre dans cet établissement. Faute d’un traitement adéquat, elle meurt au bout de huit jours.
Toute personne admise en urgence dans un hôpital israélien est soignée gratuitement a priori. C’est le cas des blessés de Gaza – et d’ailleurs. Si elle est couverte par un système de santé dans son pays de résidence, l’hôpital se tourne éventuellement vers ce dernier a posteriori. Si elle est absolument sans ressource ni couverture, elle reste à la charge d’Israël. La petite Asil aurait peut-être bénéficié de cette dernière procédure, si quelqu’un y avait recouru. Malheureusement, son dossier s’est enlisé dans les méandres administratifs créés par la directive Abou Moughli.
Il y a très longtemps de cela, deux prostituées se présentèrent devant le roi Salomon, à Jérusalem. Chacune avait un bébé. L’un des deux était mort. Elles se disputaient le survivant. « Coupez le bébé en deux », dit le roi à son bourreau. « D’accord », dit l’une des femmes. « Non ! », dit la seconde. « Donnez-le à l’autre femme, mais qu’il vive. » Le roi décida : « La seconde est la vraie mère ». L’Autorité palestinienne, qui laisse souffrir et mourir des malades dans un but de politique intérieure ou de « contre-propagande » anti-israélienne, est-elle la vraie mère des Palestiniens ? Lisez, relisez et concluez.
© Michel Gurfinkiel & Hamodia, 2009