Michel Gurfinkiel

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France/ Le sens des proportions

Ce qui est "disproportionné", ce ne sont pas les opérations israéliennes à Gaza, mais la réaction officielle française.

« Une réaction disproportionnée ». Ce sont les termes que le président français, Nicolas Sarkozy, a employés pour décrire les opérations israéliennes contre le Hamas, l’organisation terroriste qui contrôle Gaza. Nombre de ses concitoyens lui retourneront le compliment. Il est « disproportionné », en vérité, de condamner l’Etat hébreu quand il remplit ses obligations premières, qui sont d’assurer la sûreté physique de son territoire et de sa population.

Gaza est-il occupé par Israël ? Non : les Israéliens se sont retirés de cette enclave, jusqu'au dernier d’entre eux, en 2005. Le Hamas gouverne-t-il Gaza de façon légitime ? Non : cette confrérie armée y a pris le pouvoir en 2007, à l’issue d’une guerre civile contre l’Autorité palestinienne. Le Hamas se livre-t-il depuis près de deux ans à des agressions systématiques contre Israël ? Oui. Bombarde-t-il sans relâche, et de façon aveugle, les localités civiles du Sud-Ouest israélien ? Oui. A-t-il enlevé un soldat israélien, Guilad Shalit, en territoire israélien, et le retient-il en otage, ce qui constitue un crime contre l’humanité ? Oui. A-t-il unilatéralement annoncé que la trêve qu’il observait depuis quelques mois était rompue ? Oui. Affiche-t-il comme l’un de ses buts politiques la destruction de la république et de la société israéliennes ? Oui. Dans ces conditions, Israël a absolument le droit de faire la guerre au Hamas et de le détruire. Et ses opérations militaires sont plus urgentes, plus nécessaires, mieux fondées, plus légitimes, que la plupart des opérations militaires françaises actuelles, y compris celles qui se déroulent en Afghanistan. La France n’a sans doute pas tort d’intervenir sur des « théâtres extérieurs » pour y défendre ses intérêts à long terme et les valeurs du monde libre. Mais il n’en va pas, à très court terme, de son existence en tant que nation ou de la vie même des Français. A Gaza, c’est au contraire l’existence d’Israël et la vie de chaque Israélien qui sont en jeu. A très court terme.

Pourquoi Sarkozy, qui a si souvent exprimé des sentiments pro-israéliens,  adopte-t-il aujourd’hui une position si négative ? Pourquoi cherche-t-il soudain à se distinguer des Etats-Unis, qui ont souligné la responsabilité du Hamas et réaffirmé le droit d’Israël à se défendre ?

La première explication, c’est qu’un président ne travaille jamais seul. Il a un entourage. Il a des conseillers. Il s’appuie sur une machine d’Etat. Mais dans le cas de Sarkozy, ces amis ou ces commis viennent pour la plupart de la droite gaulliste ou de la gauche tiers-mondiste : deux milieux où l’anti-israélisme est de règle. Le meilleur des présidents s’use à ce jeu. En Amérique, Ronald Reagan avait été ainsi « rééduqué », pendant l’été 1982, par l’aile pro-saoudienne de son administration. Mais celle-ci comportait aussi une aile pro-israélienne, qui sut reprendre de l’ascendant dès 1983. Rien de tel, malheureusement, dans la France de la fin des années 2000 : Sarkozy, par rapport à Israël, est – ou a longtemps été – presque seul de son espèce.

La seconde explication, qui ne fait que compléter la première, c’est que le président tient de plus en plus compte, ou que son entourage lui conseille de tenir de plus en plus compte, de la communauté islamique française. Elu sur un programme d’identité nationale et de refus d’une immigration incontrôlée, il a mis en place, dès son arrivée au pouvoir, une politique « multiculturelle » et « multiethnique » qui se situe pratiquement à l’opposé. La « discrimination positive » est l’un des aspects de ce nouveau cours. L’ouverture aux pays arabes et africains, à travers l’Union pour la Méditerranée, en est un autre. Il était fatal d’en arriver à une forme ou une autre de soutien à la cause palestinienne, notamment sous l’aspect « humanitaire » qu’elle est censée revêtir à Gaza.

La troisième explication, c’est que Sarkozy cède peu à peu, comme presque tous les hommes politiques français, au mirage d’un « rôle planétaire ». Cela implique de prendre des positions « fortes » dans tous les conflits et toutes les crises : même sans en avoir réellement les moyens. L’Elysée et le Quai d’Orsay s’attendent à tort ou à raison, à des pressions américaines sur Israël dès le 20 janvier. Ils sont tentés d’anticiper sur ce mouvement. Quitte à promettre en même temps aux Israéliens de « garantir leur sécurité ». Mais la France est elle réellement prête à faire la guerre à un Iran nucléaire si celui-ci menace Tel-Aviv ? Poser cette question ultime, c’est ramener le débat à ses vraies… proportions.

© Michel Gurfinkiel & Hamodia, 2008

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