Les élections américaines de 2008 révèlent une double polarisation : non-Blancs contre Blancs, irréligieux contre religieux.
L’élection de Barack Obama ne signifie pas que la race ou les origines ethniques ont cessé d’être des facteurs politiques aux Etats-Unis, mais au contraire que leur importance s’est accrue.
95 % des Noirs américains ont voté pour Obama le 4 novembre 2008. Une quasi-unanimité qui ne s’explique que par une solidarité raciale avec le premier Noir susceptible d’accéder à la Maison Blanche.
Le sénateur de l’Ilinois a réuni plus de 60 % des suffrages dans toutes les autres communautés non-blanches : à commencer par les Hispaniques, chez qui il obtient 67 %, soit 14 points de plus que le candidat démocrate John Kerry en 2004, et les Asiatiques, chez qui il obtient 62 %, soit 12 points de plus.
En revanche, il n’a obtenu que 44 % des voix blanches. Si les Blancs avaient été les seuls à voter, John McCain aurait obtenu 316 Grands Electeurs, Obama 222.
Même chez les Blancs ayant reçu une éducation de niveau universitaire (college educated), beaucoup plus à gauche que les autres, McCain l’emporte sur Obama par 50 % des suffrages contre 49 %.
Cette polarisation croissante semble elle-même refléter la montée démographique des non-Blancs au détriment des Blancs, aussi bien dans la population américaine globale que dans le corps électoral. Plus les non-Blancs ont le sentiment de leur poids dans la société américaine, plus ils ont tendance à voter ensemble pour un candidat non-Blanc ou leur paraissant plus proche des causes non-blanches.
Le scrutin du 4 novembre 2008 révèle une autre polarisation, de nature culturelle : plus les Américains sont religieux, quelle que soit leur confession, plus ils ont voté McCain et républicain ; plus ils sont irréligieux, plus ils ont voté Obama et démocrate.
55 % des électeurs religieux (assistant à un office religieux une fois au moins par semaine) ont voté McCain, 43 % pour Obama. Cette catégorie sociologique représente 40 % de l’ensemble de l’électorat américain : quatre électeurs sur dix.
Chez les électeurs peu pratiquants (n’assistant à une office religieux que de temps à autres), Obama obtient 57 % de voix. Chez les non-pratiquants (qui ne se rendent jamais dans un lieu de culte), 67 %.
Cette seconde polarisation est particulièrement visible chez les juifs : les orthodoxes, dont la vie est structurée autour d’une pratique religieuse quotidienne et d’un office public hebdomadaire, ont voté McCain à plus de 70 % ; les « conservatives » et réformés, chez qui les pratiques régulières sont moins suivies ou quasiment inexistantes, ont voté Obama dans la même proportion. Les orthodoxes ne formant que 20 % seulement de la population juive américaine, Obama l’a emporté par 77 % (son second meilleur score, après la communauté noire).
La polarisation raciale ou ethnique semble l’emporter dans beaucoup de cas sur la polarisation religieuse. Les Noirs religieux ont voté Obama, comme les non-religieux. Chez les Hispaniques, de nombreux religieux ont également préféré, pour la première fois, le candidat démocrate. Ce qui explique le basculement de l’électorat catholique américain dans son ensemble : 54 % des catholiques, toutes origines confondues, ont voté Obama en 2008, alors qu’ils n’avaient été que 47 % à voter Kerry en 2004. Les catholiques blancs ont en revanche voté McCain à 52 %.
© Michel Gurfinkiel, 2008