Michel Gurfinkiel

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USA/ Le grand vizir d'Obama

Rahm Emanuel présente un profil pro-israélien impeccable. A un détail près : son rôle dans les accords d’Oslo de 1993.

Le démocrate Barack Hussein Obama a été élu président des Etats-Unis par 52,6 % des voix (65,4 millions d’électeurs). Il l’a emporté dans plus de la moitié des Etats ; et ce qui est plus significatif encore, dans tous les Etats fortement peuplés sauf un, le Texas. Son adversaire républicain John McCain n’a obtenu pour sa part que 46,1 % de voix (57,4 millions) et n’est arrivé en tête que dans l’Amérique profonde : le Sud, le Middle-West, une partie de l’Ouest.

Obama a quasiment fait l’unanimité au sein de la communauté noire : il y obtient 95 % des suffrages. Comment aurait-il pu en être autrement ? Au-delà de toute considération politique, c’était là, pour elle, une revanche historique absolue. Et le moyen de se réconcilier enfin avec la nation américaine, cent cinquante ans après l’abolition de l’esclavage et un peu plus de quarante ans après l’abolition de la discrimination raciale.

Le sénateur de l’Illinois obtient également une majorité écrasante au sein des autres communautés non-blanches :  66 % des Hispaniques, 63 % des Asiatiques, 60 % des Hindous et Sikhs, 60 % des Américains d’origine moyen-orientale, 58 % des Américains indigènes (c’est à dire des Peaux-Rouges). Ces résultats sont plus surprenants. Les Asiatiques et une partie des Hispaniques votaient jusqu’à présent républicain par anticommunisme ; les originaires de l’Inde faisaient de même, par peur de l’islam ; et les Américains d’origine arabe se méfiaient du poids des juifs chez les démocrates. On doit se rendre à l’évidence : ces communautés liées au tiers-monde se sont reconnues dans Obama, né d’un père kenyan, élevé en Indonésie, et qui semble avoir reçu une éducation musulmane avant de rejoindre une Eglise protestante.

Mais le score le plus étonnant, c’est assurément celui qu’Obama a obtenu au sein de la communauté juive : 77 %. Certes, les juifs américains votent traditionnellement pour le parti démocrate. Mais depuis Ronald Reagan, dans les années 1980, une partie d’entre eux rejoignait les républicains. Et surtout, la personnalité d’Obama pouvait faire problème : de ses origines familiales à ses liens, avérés, multiples, avec des milieux ou des personnalités proches des mouvements palestiniens ou de l’extrême gauche révolutionnaire, en passant par son opposition, en 2003, à l’intervention militaire en Irak. De fait, pendant les primaires démocrates, jusqu’en mai 2008, la majorité des électeurs juifs ont préféré soutenir la sénatrice de New York, Hillary Clinton.

L’homme qui a réussi à remobiliser le vote juif autour d’Obama se nomme Rahm Israël Emanuel. Agé de près de cinquante ans, il est né à Chicago d’un père israélien immigré aux Etats-Unis, Benjamin Emanuel, ancien de l’Irgoun, et d’une mère américaine, Martha Shmulewitz, ancienne militante pour les droits civiques. Il a reçu une éducation juive traditionnelle et appartient à une synagogue du courant Modern Orthodox. Son épouse, d’origine non-juive, a été convertie conformément à la halakhah. Enfin, il n’est pas indifférent de noter que Rahm Emmanuel n’a pas hésité, en 1991, pendant la première guerre du Golfe, a effectuer un volontariat civil en Israël.

Rahm Emmanuel commence sa carrière politique sous Carter. Il oblique vers les affaires, y fait une carrière brillante : son dernière salaire, dans le privé, s’élevait à 18 millions de dollars par an. Dans les années 1990, il recommence à faire de la politique, auprès de Bill Clinton. En tant que stratège et organisateur d’abord. Puis en tant que membre du Congrès. En 2008, c’est l’un des chefs de la campagne d’Hillary Clinton. Mais quand il constate que celle-ci a perdu les primaires, il rejoint Obama. Entre autres choses, il le persuade de tout faire pour capter l’électorat juif. Le sénateur de l’Illinois obéit. On se rappelle les déclarations de ce dernier sur Jérusalem, au mois de juillet. Ou ses propos plus récents sur le caractère « sacrosaint » de la sécurité de l’Etat juif.

L’opération ayant atteint son but, Obama a récompensé Emanuel en lui proposant les fonctions de directeur de cabinet à la Maison Blanche. L’équivalent d’une position de premier ministre, sinon de « grand vizir ». A première vue, les Israéliens ne peuvent que se réjouir de ce renversement des choses. Mais un examen plus attentif de la carrière et du profil de Rahm Emmanuel suscite quelques réserves.

En 1993, Emanuel a été, auprès le Clinton, l’homme qui a transformé les accords d’Oslo en une sorte de traité tripartite entre Israël, l’OLP et les Etats-Unis. Dans ce contexte, il a mis en scène la fameuse poignée de main Rabin-Arafat devant la Maison Blanche. Or cette image, qui se voulait généreuse, a causé en définitive un mal considérable à Israël et à la paix. En ancrant dans les imaginations, notamment en Occident, l’idée d’une équivalence morale et juridique entre l’Etat d’Israël et une confrérie terroriste, elle a délégitimé le premier au profit de la seconde. Et créé les conditions de la Seconde Intifada qui a éclaté sept ans plus tard, en 2000.

Qu’un homme tel que Rahm Emanuel n’ait pas compris d’emblée la portée de son action sur le moment, c’est regrettable. Mais ce qui est encore plus préoccupant, c’est qu’il n’a pas compris non plus son erreur après coup, et continue à relater avec fierté son rôle de 1993. De nombreux observateurs s’attendent à ce qu’il exerce, dès son installation effective à la Maison Blanche en 2009, des pressions brutales sur Israël. Quel que soit le vainqueur des élections législatives qui doivent se dérouler dans ce pays au mois de février.

© Michel Gurfinkiel & Hamodia, 2008

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