Les trois quarts des juifs américains voteront Obama, comme si de rien n'était. Vieilles habitudes et mauvaise théologie.
Finalement, Obama est parvenu à mobiliser la plus grande partie de l’électorat juif. Ce n’était pas évident. Près de 80 % des juifs américains appartiennent au parti démocrate ou du moins à une mouvance culturelle démocrate. Mais le sénateur de l’Illinois ne leur inspirait pas confiance. La majorité d’entre eux lui préféraient Hillary Clinton, voire même des candidats républicains considérés comme « centristes », comme Rudolph Giuliani ou John McCain. Obama et ses conseillers ont su reconquérir cet électorat-clé : en multipliant les gestes rassurants à l’égard d’Israël (y compris la nomination d’un pro-israélien impeccable, Joe Biden, comme colistier), mais aussi en manipulant certaines craintes juives traditionnelles (notamment en présentant Sarah Palin, la colistière de McCain, comme la candidate d’une extrême-droite protestante antisémite).
Le 15 septembre, 57 % des juifs américains se déclaraient prêts à voter Obama, 30 % préféraient McCain, et 13 % restaient indécis. Un mois plus tard, le 15 octobre, 74 % se déclaraient pour Obama, et 22 % seulement pour McCain. Le sénateur de l’Ontario a donc fait le plein des voix juives démocrates, elles-mêmes majoritaires au sein de la communauté.
Mais derrière ces statistiques politiques, il y a des statistiques religieuses. Un sondage réalisé à la mi-septembre pour l’American Jewish Committee (AJC) révèle que les quelque 80 % de juifs démocrates sont aussi, à quelques exceptions près, ceux qui appartiennent aux synagogues réformées ou « conservatrices » (massorties). Tandis que les quelque 20 % de juifs républicains sont ceux qui appartiennent aux synagogues orthodoxes (tant harédies que Modern Orthodox).
Dans la mesure même où ils ont abandonné le judaïsme classique (Torah Ve-Mitzvoth), les réformés et les massortis ont en effet tendance à lui substituer un néo-judaïsme fondé sur les droits de l’homme et la générosité sociale, et donc à dériver sans cesse vers la gauche ou l’extrême-gauche. Dans la mesure où ils restent fidèles au judaïsme classique, les orthodoxes n’éprouvent pas ce besoin et tendent à analyser rationnellement la politique américaine, en fonction des intérêts tangibles du peuple juif, d’Israël, et de la nation américaine, « Royaume de la Bonté » (Malkhuth shel Hesed) selon les Sages.
Il est clair, d’après ces critères, qu’Obama peut susciter plus de craintes que d’espoir, et McCain plus d’espoirs que de craintes.
© Michel Gurfinkiel et Hamodia, 2008