Michel Gurfinkiel

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USA/ Obama, candidat des super-riches

Quelques surprises parmi les soutiens du candidat démocrate.

Tout semble indiquer, à quelques jours du scrutin, que le démocrate Barack Hussein Obama sera le quarante-quatrième président des Etats-Unis, et que son parti, de surcroît, obtiendra la majorité dans les deux Chambres du Congrès.

Derrière cette éventuelle victoire, ou cette « victoire annoncée », une bien étrange coalition. Obama est avant tout le candidat de l’extrême-gauche américaine, ce milieu à la fois élitiste, décadent et extrémiste,  jadis soviétophile, aujourd’hui enamouré du tiers monde, voué à Noam Chomsky, Edward Said et la New York Review of Books, qui parasite le parti démocrate depuis les années 1960. Politiquement, ce n’est pas indifférent. L’extrême-gauche contrôle largement le monde intellectuel, les universités, les médias, Hollywood et une partie des Eglises : en d’autres termes, les principaux relais d’opinion. Elle n’a pour contrepoids que certaines fondations et surtout la « blogosphère » : les nouveaux médias indépendants générés par internet et la haute technologie.

Obama est aussi – et on ne peut ni l’en blâmer, ni s’en étonner – le candidat de la communauté noire : 40 millions d’âmes ou 12 % de la population américaine totale. L’élection du sénateur de l’Illinois – demi-Noir lui-même,  marié à une Noire – constituerait une revanche historique absolue, après trois cents ans d’esclavage, cent ans de discrimination négative et quarante ans de discrimination positive. Sous des prétextes divers, presque tous les Afro-Américains – 95 % d’entre eux selon les sondages – ont finu par se ranger derrière sa candidature : même ceux qui sont parvenus au sommet de la société ou de l’Etat, comme Oprah Winfrey, la présentatrice-star de la télévision, ou Colin Powell, qui a été commandant en chef des forces armées américaines sous Bush père, puis secrétaire d’Etat sous Bush fils, et qui se présente toujours comme un membre du parti républicain.

Mais ce qui surprendra peut-être certains observateurs, c’est qu’Obama bénéficie en outre du soutien du Très Grand Capital. Selon l’agence d’analyse économique Prince & Associates, les « grandes fortunes moyennes » américaines, dont le patrimoine se situe entre 1 et 10 millions de dollars, soutiennent en majorité le candidat républicain John McCain. Mais les deux tiers des « super-riches », dont le patrimoine atteint ou dépasse les 30 millions de dollars, soutiennent Obama. Warren Buffet, la plus grosse fortune des Etats-Unis et du monde selon le magazine Forbes (62 milliards de dollars), a fait savoir qu’il votait pour le candidat démocrate, tout comme le financier George Soros (9 milliards de dollars).

Cette mobilisation se traduit, en pratique, par le plus gros budget électoral de l’histoire américaine, estimé d’ores et déjà à plus de 200 millions de dollars, soit plus de 10 milliards de plus que celui du républicain George W. Bush en 2004. Obama aurait réuni quatre fois plus de fonds que McCain pour sa campagne à l’échelle nationale, selon le New York Times, et jusqu’à sept fois plus dans certains Etats. Le Washington Post observe pour sa part qu’Obama aurait dépensé 82 millions de dollars pour des spots télévisés pendant les deux premières semaines d’octobre, c’est à dire la moitié du budget global du candidat démocrate John Kerry pendant la campagne de 2004.

Les super-riches ne se sont pas ralliés à Obama par opportunisme : ils ont misé sur lui dès le début de la campagne, voire même, pour certains d’entre eux, avant même qu’il ne s’engage. Au début de l’été, ce soutien était déjà si important que le sénateur de l’Illinois a refusé l’aide publique – la bagatelle de 84 millions de dollars – à laquelle il avait droit. S’il l’avait acceptée, il aurait dû en effet accepter un plafonnement des autres sources de financement et publier la liste détaillée des contributeurs. Ce qui revenait à se lier doublement les mains, pour un résultat inférieur à celui qu’il était en droit d’espérer à travers les seules aides privées.

Les super-riches estiment que les difficultés économiques des années 2003-2008 (chute du dollar, hausse des matières premières et de l’énergie, bulles spéculatives) sont dues pour l’essentiel à un problème de confiance et que celle-ci ne peut être restaurée qu’à travers un changement d’administration à Washington. Les hausses d’impôt proposées par les démocrates ne leur font pas peur, dans la mesure où leurs patrimoines sont mondialisés et échappent donc, au moins en partie, à la fiscalité américaine.

© Michel Gurfinkiel et Valeurs Actuelles, 2008

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