Michel Gurfinkiel

Michel Gurfinkiel

Michel Gurfinkiel

France/ Le contre-pouvoir municipal

Les Français voient dans l’institution municipale, même ou surtout quand elle est minuscule, un antidote à un Etat trop lourd et à une Europe envahissante.

Les 9 et 16 mars 2008, les Français vont renouveler leurs conseils municipaux. En principe, ces élections auraient du avoir lieu l’année dernière : les édiles sont en effet élus pour six ans, et le scrutin précédent s’était déroulé en 2001. Mais 2007 était une date  extrêmement chargée : des présidentielles en avril et en mai, suivies de législatives. Le parlement avait donc décidé, comme la constitution lui en donne le droit, de proroger d’un an le mandat des conseils municipaux sortants.

La France compte 36 000 municipalités. Un chiffre exceptionnellement élevé : à population égale, la plupart des pays de l’Union européenne en comptent moins de 10 000. Héritières des « paroisses » de l’Ancien Régime, ces communes créées à la fin du XVIIIe siècle correspondaient autrefois à la réalité d’un pays agricole. Aujourd’hui, la plupart d’entre elles ne sont plus que des coquilles vides, fortes de quelques centaines d’habitants seulement, ou même quelques dizaines. Boule d’Amont, dans les Pyrénées Orientales, comptait 536 habitants en 1834,  185 en 1926, 73 en 1999. Sur le papier, sa population actuelle se situe un peu en dessous de 70 habitants. Mais la plupart de ces citoyens ne sont en fait que des propriétaires de résidences secondaires, qui ne passent au mieux que deux ou trois mois par an dans la commune. Au village, il n’y a plus que 18 personnes, enfants compris.

Le même morcellement se retrouve dans les zones urbanisées. Depuis le Second Empire – 1852-1870 – on n’a pas procédé en France à des regroupements autoritaires de communes : les « grandes villes » sont donc figées à des dimensions d’un autre temps. L’agglomération parisienne recouvre une dizaine de départements. Elle  compte une quinzaine de millions d’habitants. Mais Paris proprement dit – la Ville de Paris, ou « Paris intra-muros », circonscrite par le boulevard périphérique et les bois de Boulogne et de Vincennes – s’étend sur 105 kilomètres carrés seulement et compte moins de 2 millions d’habitants. Le reste de l’agglomération s’atomise en centaines de communes de tailles diverses, mais égales en droit, de Saint-Mandé (0,9 kilomètre carré, 20 000 habitants) à Versailles (26 kilomètres carrés, 80 000 habitants) ou Evry (8 kilomètres carrés, 100 000 habitants).

Certes, des « communautés  d’agglomérations » ou « communautés urbaines » fédèrent de nombreuses communes, notamment en vue de régler des problèmes logistiques (transports, questions liées à l’environnement). Le pouvoir véritable reste cependant aux mains des communes et de leurs maires, et les projets de réforme tendant à modifier cette situation sont extrêmement impopulaires : à bien des égards, les Français voient dans l’institution municipale, même ou surtout quand elle est minuscule, une « structure de proximité » qui fait contrepoids à une bureaucratie étatique trop lourde et trop centralisée, ainsi qu’à la bureaucratie européenne.

Dans toutes les démocraties, les électeurs tendent à séparer les enjeux locaux des enjeux nationaux et donc à diversifier leurs choix politiques. Les Français ne font pas exception : en 2001, sous un gouvernement de gauche, ils ont élu des maires de droite (sauf à Paris et Lyon) ; puis, s'étant prononcés pour un président et un parlement de droite en 2002, ils ont donné l'avantage à la gauche aux régionales de 2004. S'étant à nouveau portés à droite à la présidentielle et aux législatives de 2007, ils pourraient, si l'on en croit les sondages, basculer à gauche aux municipales de 2008. Si cette hypothèse se vérifie, Paris, Lyon et Lille devraient rester aux mains des socialistes, Toulouse, Strasbourg ou Bordeaux pourraient tomber,  et Marseille elle-même serait menacée. Ce phénomène pourrait être doublement amplifié : par une plus forte mobilisation d’une gauche ulcérée par ses défaites de 2007 au plan national, mais aussi une démobilisation d’une droite déçue par Nicolas Sarkozy.


© Michel Gurfinkiel, 2008

(Visited 8 times, 1 visits today)

Partager:

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin

Articles les plus récents

Articles les plus lus

Sorry. No data so far.

Contact