Michel Gurfinkiel

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Michel Gurfinkiel

Moyen-Orient/ Les Animaux malades de la Peste











La résolution 194 de l’Onu passe pour fonder le « droit au retour » des Palestiniens. Surprise : en fait, elle dit exactement le contraire. Mais l’Onu ne relit plus ses textes.











« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront noir ou blanc… », disait La Fontaine dans Les Animaux malades de la Peste. C’est vrai, aujourd’hui comme hier, des tribunaux civils ou criminels. Et des assemblées qui prétendent arbitrer entre les nations.

 

La résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée le 11 décembre 1948, passe pour fonder le « droit inaliénable du peuple palestinien au retour dans sa patrie ». Or il suffit de lire cette résolution – et plus précisément le paragraphe 11, le seul qui traite, en fait,  de la question des réfugiés – pour constater qu’elle dit le contraire. Voici le texte authentique, tel qu’on peut le consulter dans n’importe quel ouvrage spécialisé – ou sur internet : « L’Assemblée générale résout que les réfugiés qui désireraient retourner dans leurs foyers et vivre en paix avec leurs voisins puissent être autorisés à le faire dès que possible, et que ceux qui choisiraient de ne pas rentrer puissent être indemnisés pour la perte ou la détérioration de leurs biens par les gouvernements ou autorités responsables, conformément aux principes de la loi internationale et en équité. »

 

Première observation : l’Assemblée générale ne fait qu’exprimer un souhait. Elle obéit, ce faisant, à la Charte des Nations Unies, qui distingue entre les résolutions de l’Assemblée, non contraignantes, et celles du Conseil de Sécurité, qui le sont. A supposer que le paragraphe 11 ait effectivement préconisé le retour sans condition des Arabes palestiniens ou de leurs descendants dans leurs foyers d’avant 1948 – ce qui n’est pas le cas -, Israël aurait donc parfaitement pu de ne pas en tenir compte.

 

Deuxième observation : l’Assemblée ne précise pas si les réfugiés sont juifs ou arabes. Elle sait en effet, au moment où elle passe la résolution 194, que des déplacements de population se produisent dans les deux communautés de Palestine, que certains pays arabes ou islamiques sont en train d’expulser leurs populations juives, et que selon toute vraisemblance des expulsions analogues se produiront dans d’autres pays arabes ou islamiques à brève échéance (Selon les estimations communément admises, près de 700 000 Arabes palestiniens auraient été déplacés pendant le conflit de 1947-1948. En regard, plus de 1,5 million de Juifs auraient été déplacés en Palestine même ou expulsés du monde arabe et islamique des années 1920 aux années 1980.)

 

Troisième observation : l’Assemblée lie tout retour de réfugiés, arabes ou juifs, au désir de « vivre en paix avec les voisins ». Ce qui exclut ceux qui, parmi les personnes déplacées, prétendraient rentrer dans leurs anciens foyers afin de poursuivre la guerre ou toute autre activité hostile ou subversive. Remarque de pure forme ? Non, précision importante. Les pays arabes ont en effet affirmé, dès l’été 1948, que le retour éventuel des réfugiés arabes ne serait qu’un moyen d’annuler la victoire militaire d’Israël, et de détruire cet Etat. Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Muhamad Salah al-Din, a présenté cette stratégie avec une remarquable clarté dans une interview au quotidien Al-Misri, le 11 octobre 1949, onze mois après l’adoption de la résolution 194 et huit mois environ après la signature des armistices israélo-égyptiens de Rhodes : « Chacun sait et comprend que les Arabes, quand ils exigent le retour des réfugiés en Palestine, veulent que ces derniers rentrent chez eux en maîtres du pays et non en esclaves. Pour être tout à fait clair, ce retour signifie la liquidation de l’Etat d’Israël ».

 

Quatrième observation : la résolution 194 ne parle pas d’un droit au retour collectif mais de droits individuels. Et pour cause : le retour global de populations déplacées au cours de conflits ou d’autres crises n’est pas un droit au regard de la loi internationale, c’est à dire un principe à la fois absolu, dont la violation constituerait un crime, et universel, s’appliquant à n’importe quelle population. Parce qu’il serait inapplicable. La question a été définitivement réglée, en termes théoriques, par la Convention internationale sur les Droits civils et politiques, adoptée en 1966. Ce texte réaffirme, à la suite la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, que « nul ne peut être arbitrairement privé de son droit de rentrer dans son pays ». Mais Stig Jagerskiold, l’un des commentateurs faisant autorité, note, dans une étude parue en 1987 : « Ce droit ne s’applique qu’à des individus faisant valoir leurs droits individuels. Il n’y a jamais eu ici aucune intention de répondre aux demandes des masses humaines qui ont été déplacées par suite d’une guerre ou d’un transfert politique de territoire ou de population, tels que la transplantation de populations ethniquement allemandes d’Europe de l’Est pendant et après la Seconde Guerre mondiale, la fuite des Palestiniens de ce qui allait devenir Israël, où l’exode des Juifs des pays arabes. Quels que soient les mérites de diverses revendications ‘irrédentistes’, ou ceux des masses de réfugiés qui désirent retourner dans les pays où ils ont vécu originellement, la Convention ne traite pas de ces problèmes, et ne peut être invoquée pour asseoir un ‘droit au retour’. ».

 

Peut-on être plus clair ? Pourtant, l’idée que la résolution 194 a reconnu le « droit au retour » des réfugiés arabes palestiniens s’est imposée dans les esprits. Pour de simples raisons numériques : à l’Onu, les Etats islamiques et ceux qui les soutiennent automatiquement sont majoritaires depuis la fin des années 1960 ; dans l’économie mondiale, le poids des pétrodollars arabes ou iraniens n’a cessé de croître ; démographiquement, le monde islamique et le tiers-monde l’emportent sur le monde dit occidental ; au sein même d’un Occident en régression, les minorités issues du tiers-monde ne cessent de se renforcer. Que pèse Israël, face à de tels arguments ? Et que vaut encore le droit ? La Fontaine avait bien raison : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vont rendront noir ou blanc ».

 

© Michel Gurfinkiel, 2009

 

 

 

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