De l'affaire Litvinenko à la coopération stratégique avec l'Iran, les indices s'accumulent : la Russie s'engage dans une nouvelle guerre froide.Le monstre froid par excellence – l’Empire russe – est de retour. Au régime des tsars, fondé par Ivan le Grand et Ivan le Terrible aux XVe et XVIe siècles, consolidé par Pierre le Grand et Catherine II au XVIIIe siècle, avait succédé en 1917 celui des Soviets : même autocratie, même police politique toute-puissante, même rôle central de l’idéologie d’Etat (le marxisme-léninisme ayant remplacé le christianisme orthodoxe), mêmes ambitions territoriales, en Europe comme en Asie, même antisémitisme.
En 1987, le système semble avoir trouvé ses limites : économie bloquée, retard technologique. Mikhaïl Gorbatchev tente de le sauver en le libéralisant. Echec total. En 1991, l’URSS se désintègre et une nouvelle Russie prend forme, plus petite, plus homogène. Va-t-elle se convertir à la démocratie et à l’économie de marché, se rapprocher de l’Occident, intégrer, à terme, l’Otan et l’Union européenne ? Sous Boris Eltstine, de 1992 à 1999, on peut l’espérer. Mais l’homme qui lui succède, Vladimir Poutine, est un ancien officier du KGB. Il porte en lui l’ADN de l’Empire. Et en sept ans, de l’automne 1999 à l’automne 2006, il le fait renaître, institution par institution, organe par organe. Aidé, il est vrai, par l’enrichissement subit du pays depuis 2003, conséquence quasi-mécanique du triplement des prix des hydrocarbures, pétrole et gaz naturel.
La Russie néo-totalitaire n’a pas d’état d’âmes. On le voit dans ses méthodes de politique intérieure, ou quasi-intérieure. Anna Politovskaya, l’une des rares journalistes qui osait encore s’opposer à Poutine, a été abattue le mois dernier à son domicile de Moscou. Alexandre Litvinenko, un ancien officier des services secrets russes réfugié en Grande-Bretagne en 2000, est mort vendredi dernier à la suite d’un empoisonnement alimentaire au polonium-210.
Mais le néo-totalitarisme russe n’est pas moins brutal en politique internationale. La Russie de Poutine cherche à reprendre pied en Europe, notamment en la rendant dépendante de son gaz naturel. Au Moyen-Orient, elle est à la fois l’inspiratrice et le soutien majeur du régime Ahmadinejad. C’est la Russie qui a fourni à l’Iran l’essentiel de sa technologie nucléaire. C’est elle qui lui fournit ses armes les plus perfectionnées. Dernière livraison en date : des missiles anti-aériens Tor-M1. De quoi rendre un peu plus difficile une éventuelle opération militaire occidentale contre la République islamique.
Le monstre froid est de retour. Et avec lui, une nouvelle guerre froide. Les dirigeants occidentaux – ou israéliens – en sont-ils conscients ? Pas sûr.