Michel Gurfinkiel

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Sur le vif 1/ Mythologies

La princesse de Norvège croit aux anges. Des Justes aux Frères de Judas. Le sens profond du mot Palestine.

Il y avait eu la Britannique Diana, princesse pop, délaissée par son benêt de mari, adulée par son peuple (et du reste du monde), tuée dans un accident de voiture voici dix ans. Puis Masako, la trentenaire surdouée et surdiplômée, qui interrompt une carrière de haut fonctionnaire pour devenir impératrice du Japon, mais frôle ensuite, dans un palais glacial, la dépression nerveuse. Puis, en descendant d’un cran, les Monaco des deux sexes. Voici maintenant Märtha Louise, princesse de Norvège, fille aînée du souverain régnant Harald V mais quatrième seulement dans l’ordre de succession au trône, après son frère puîné Haakon et les deux enfants de ce dernier, Ingrid et Magnus. Mariée à un roturier, M. Behn, elle se passionne pour les contes et légendes. Au point de créer une école privée – payante – où l’on apprendrait à « communiquer avec les anges ». Les Norvégiens sont patients. Et profondément monarchistes. Mais ils se demandent si de telles activités ne sont pas borderline. « Si j’avais vécu quelques siècles en arrière, j’aurais été brûlée vive, je le sais bien », a expliqué la princesse le 11 août, dans une interview télévisée.

De la sorcellerie à l’occultisme : une chaîne de télévision française se surpasse avec La prophétie d’Avignon, une « série de l’été », ou plutôt d’arrière-saison, où s’entretuent les bons et les méchants, les dépositaires de secrets ancestraux et la secte qui veut s’emparer, mais où surtout s’entremêlent toutes les tribus de la France du XXIe siècle, Provençaux, juifs, gitans, Kabyles, énarques, hauts fonctionnaires de Bruxelles, flics, homosexuels. Ce qui retiendra l’attention, c’est l’ambivalence du scénario. Les bons et les méchants se marient et font des enfants ensemble. Il y est question des Justes qui sauvèrent des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, mais la secte criminelle s’appelle « les Frères de Judas », et son emblème est le J gothique des étoiles jaunes. A un premier niveau, le bien lutte contre le mal. A un second niveau, implicite, subliminal, ils se confondent. Je me demande ce que le public retiendra de tout cela. Le pire, probablement.

Pour finir, un point d’étymologie. « Palestine » signifie « pays des Philistins ».  C’est le nom que les Romains donnèrent à la Judée en 135, pour la punir de s’être révoltée pour la seconde fois, quelque soixante ans après la destruction du Temple. Il lui est resté, du moins dans le monde occidental, imbu de culture classique. Chez les Arabes, il tomba rapidement en désuétude : ceux-ci ne voyaient dans la Terre sainte des Juifs et des chrétiens que la Syrie du Sud. En 1922, une nouvelle  « Palestine » fut crée  par la Société des Nations (SDN). Placée sous mandat britannique et destinée à devenir un « foyer national juif », elle portait également les appellations d’ « Eretz-Israël » (« pays d’Israël ») en hébreu et de « Filastin » en arabe. En 1947, l’Organisation des Nations Unies (Onu), héritière de la SDN, partagea ce territoire en deux Etats, l’un juif et l’autre arabe. Le premier, qui proclama son indépendance dès 1948, prit le nom d’Israël. Le second ne vit pas le jour : les secteurs qui lui avaient été attribués furent occupés par les Jordaniens et les Egyptiens jusqu’en 1967, puis par les Israéliens. Mais on prit l’habitude de réserver le terme de « Palestiniens » aux populations arabes de l’ancien mandat britannique. En 1993, Israël valida ce glissement sémantique en acceptant la création d’une Autorité nationale palestinienne en Cisjordanie et à Gaza.

Mais qui étaient donc les Philistins invoqués par les Romains au IIe siècle de l’ère chrétienne ? Une ethnie proto-grecque – sans doute les Minoens – qui, mille ans plus tôt, avait pris d’assaut les rives de la Méditerranée orientale. Les Egyptiens les appelaient « les peuples de la mer » : le pharaon Ramsès III les repoussa, non sans mal. Les anciens Israélites, eux, les qualifièrent de « Plishtim », c’est-à-dire, tout simplement « d’Envahisseurs », comme le révèle n’importe quel dictionnaire étymologique de la langue hébraïque. Ils n’en vinrent à bout qu’au bout de plusieurs générations, sous la conduite de leurs premiers rois, Saül et  David.

Les Palestiniens d’aujourd’hui affirment que leur communauté est partie intégrante de la nation arabe. Ce qui revient à se poser, en effet, en héritiers d’une invasion – celle des cavaliers de Mahomet – plutôt qu’en autochtones…

© Michel Gurfinkiel, 2007

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