Les Juifs américains soutiennent de moins en moins Israël. Parce qu’ils sont de moins en moins juifs.
Paradoxe : les Juifs américains ont préféré à deux reprises, lors des présidentielles, des candidats démocrates relativement peu engagés envers Israël, John Kerry d’abord, qui a obtenu 74 % de leurs suffrages en 2004, Barack Obama ensuite, qui en a obtenu 77 % en 2008, à des candidats républicains ardemment pro-israéliens, George W. Bush puis John McCain.
La plupart des commentateurs expliquent ce comportement par le poids de l’histoire. Jusqu’aux années 1970, les démocrates étaient dans l’ensemble favorables aux causes juives et à Israël, les républicains défavorables ou au mieux indifférents. Depuis quarante ans, les choses ont changé : les démocrates se sont peu à peu éloignés des Juifs et d’Israël, tandis que les républicains s’en rapprochaient. Mais pour la plupart des électeurs juifs, le pli était pris : démocrates, goodbad.
L'intermède George H. W. Bush, de 1989 à 1993, n'a rien arrangé à cet égard : pendant quatre ans, une Maison Blanche républicaine manifestait à nouveau une certaine hostilité à l'égard d'Israël. Ce qui a sans doute brouillé, une décennie plus tard, l'image du pro-israélien George W. Bush.
Mais un journaliste israélo-américain, Shmuel Rosner, avance une autre explication dans la revue Commentary. Selon lui, l’électorat juif a tout simplement cessé de considérer Israël comme une priorité. Les chiffres qu’il cite semblent difficilement réfutables.
Selon un sondage commandité par l’une des principales organisations juives américaines, l’American Jewish Committee (AJC), 54 % des Juifs américains se préoccupaient avant tout de l'économie pendant la campagne présidentielle de 2008, et 3 % seulement d’Israël, alors que ce pays était confronté à la menace nucléaire iranienne, aux tirs de missiles du Hamas et à la reconstitution du potentiel hostile du Hezbollah au Liban.
Selon un autre sondage, réalisé à la demande de l'organisation juive de gauche J Street, 55% des Juifs américains estimaient que l'économie était "la question la plus importante qui se posera au président et au Congrès après les élections". 33 % mentionnaient l’Irak, 15 % l’énergie, 12 % l’environnement. 8 % seulement citaient Israël.
Rosner note que le taux de soutien à Israël décroît avec l’âge. Selon une troisième enquête, publiée par le Hebrew Union College, le séminaire des rabbins réformés, 54 % des Juifs de plus de 65 ans affirment qu’Israël est le facteur principal dans leur choix électoral. Mais on tombe à 39 % pour les Juifs âgés de 35 à 54 ans, et 29 % pour les moins de 35 ans.
Une exception, cependant : les orthodoxes, qui représentent 20 à 25 % de la population juive. Ces derniers ont voté républicain en 2004 et en 2008. Ils considèrent Israël comme une priorité absolue. Et les jeunes Juifs orthodoxes sont aussi pro-israéliens que leurs aînés.
Dans la mesure où les Juifs orthodoxes « sont en moyenne plus jeunes que les autres Juifs, et croissent plus vite », Rosner n'exclut pas, dans une génération ou deux, une situation où le judaïsme américain serait globalement à droite.
Pourquoi une telle différence entre Juifs orthodoxes et non-orthodoxes ? Rosner ne pose pas la question dans son article. Peut-être parce que la réponse va de soi : parce que les Juifs non-orthodoxes sont de moins en moins juifs.
Par définition, le judaïsme non-orthodoxe, réformé ou « conservative » (massorti), impose moins d’obligations à ses fidèles que le judaïsme orthodoxe. Par définition, il montre moins d’exigence en matière de conversion. A la première génération, cette ouverture peut apparaître comme un signe de vitalité. A la seconde, elle conduit à la création d’une communauté à l’identité incertaine, où la moitié au moins des fidèles peuvent « zapper » entre un héritage juif et un héritage non-juif. A la troisième génération, le judaïsme s'efface au profit de syncrétismes divers.
Jusqu'à une époque récente, le soutien à Israël fédérait Juifs traditionnels et néo-Juifs. Cela n'est peut-être plus le cas aujourd'hui. Si Rosner a raison, le judaïsme américain va vers un schisme définitif.
© Michel Gurfinkiel & Hamodia, 2009
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USA-Israel/ Vers le schisme ?
Les Juifs américains soutiennent de moins en moins Israël. Parce qu’ils sont de moins en moins juifs.
Paradoxe : les Juifs américains ont préféré à deux reprises, lors des présidentielles, des candidats démocrates relativement peu engagés envers Israël, John Kerry d’abord, qui a obtenu 74 % de leurs suffrages en 2004, Barack Obama ensuite, qui en a obtenu 77 % en 2008, à des candidats républicains ardemment pro-israéliens, George W. Bush puis John McCain.
La plupart des commentateurs expliquent ce comportement par le poids de l’histoire. Jusqu’aux années 1970, les démocrates étaient dans l’ensemble favorables aux causes juives et à Israël, les républicains défavorables ou au mieux indifférents. Depuis quarante ans, les choses ont changé : les démocrates se sont peu à peu éloignés des Juifs et d’Israël, tandis que les républicains s’en rapprochaient. Mais pour la plupart des électeurs juifs, le pli était pris : démocrates, goodbad.
L'intermède George H. W. Bush, de 1989 à 1993, n'a rien arrangé à cet égard : pendant quatre ans, une Maison Blanche républicaine manifestait à nouveau une certaine hostilité à l'égard d'Israël. Ce qui a sans doute brouillé, une décennie plus tard, l'image du pro-israélien George W. Bush.
Mais un journaliste israélo-américain, Shmuel Rosner, avance une autre explication dans la revue Commentary. Selon lui, l’électorat juif a tout simplement cessé de considérer Israël comme une priorité. Les chiffres qu’il cite semblent difficilement réfutables.
Selon un sondage commandité par l’une des principales organisations juives américaines, l’American Jewish Committee (AJC), 54 % des Juifs américains se préoccupaient avant tout de l'économie pendant la campagne présidentielle de 2008, et 3 % seulement d’Israël, alors que ce pays était confronté à la menace nucléaire iranienne, aux tirs de missiles du Hamas et à la reconstitution du potentiel hostile du Hezbollah au Liban.
Selon un autre sondage, réalisé à la demande de l'organisation juive de gauche J Street, 55% des Juifs américains estimaient que l'économie était "la question la plus importante qui se posera au président et au Congrès après les élections". 33 % mentionnaient l’Irak, 15 % l’énergie, 12 % l’environnement. 8 % seulement citaient Israël.
Rosner note que le taux de soutien à Israël décroît avec l’âge. Selon une troisième enquête, publiée par le Hebrew Union College, le séminaire des rabbins réformés, 54 % des Juifs de plus de 65 ans affirment qu’Israël est le facteur principal dans leur choix électoral. Mais on tombe à 39 % pour les Juifs âgés de 35 à 54 ans, et 29 % pour les moins de 35 ans.
Une exception, cependant : les orthodoxes, qui représentent 20 à 25 % de la population juive. Ces derniers ont voté républicain en 2004 et en 2008. Ils considèrent Israël comme une priorité absolue. Et les jeunes Juifs orthodoxes sont aussi pro-israéliens que leurs aînés.
Dans la mesure où les Juifs orthodoxes « sont en moyenne plus jeunes que les autres Juifs, et croissent plus vite », Rosner n'exclut pas, dans une génération ou deux, une situation où le judaïsme américain serait globalement à droite.
Pourquoi une telle différence entre Juifs orthodoxes et non-orthodoxes ? Rosner ne pose pas la question dans son article. Peut-être parce que la réponse va de soi : parce que les Juifs non-orthodoxes sont de moins en moins juifs.
Par définition, le judaïsme non-orthodoxe, réformé ou « conservative » (massorti), impose moins d’obligations à ses fidèles que le judaïsme orthodoxe. Par définition, il montre moins d’exigence en matière de conversion. A la première génération, cette ouverture peut apparaître comme un signe de vitalité. A la seconde, elle conduit à la création d’une communauté à l’identité incertaine, où la moitié au moins des fidèles peuvent « zapper » entre un héritage juif et un héritage non-juif. A la troisième génération, le judaïsme s'efface au profit de syncrétismes divers.
Jusqu'à une époque récente, le soutien à Israël fédérait Juifs traditionnels et néo-Juifs. Cela n'est peut-être plus le cas aujourd'hui. Si Rosner a raison, le judaïsme américain va vers un schisme définitif.
© Michel Gurfinkiel & Hamodia, 2009
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