Michel Gurfinkiel

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USA/ La conversion de la Vieille Lady Grise











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Barack Obama vient de perdre, sur l’Iran, le soutien de l’Establishment « libéral » de la Côte Est. C’est ce qui ressort des derniers éditoriaux du  New York Times et du Washington Post.











Le 10 février, le New York Times publie un éditorial enjoignant au président Barack Obama de passer à l’action contre l’Iran.  Le ton est sévère, presque cinglant. Le journal newyorkais commence par affirmer que le chef de l’Exécutif a eu raison d’ouvrir un dialogue, l’année dernière, avec Téhéran. Mais il ajoute : « Trop, c’est trop. Il faut que l’Iran comprenne que ses ambitions nucléaires vont lui coûter très cher ».

 

Or selon lui, la stratégie qu’Obama semble appliquer actuellement est trop lente : « Le président a dit… que les Etats-Unis et leurs alliés voulaient mettre au point ‘assez vite’ une résolution internationale imposant de nouvelles sanctions. Il a ajouté que cela pouvait prendre plusieurs semaines… Ce n’est pas rassurant. Une fois qu’une résolution a été rédigée, le processus de négociation (en vue de son adoption) s’étire en général sur des semaines, sinon des mois. » Le New York Times souligne en particulier que deux des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, la Russie et la Chine, ne sont pas disposés à soutenir des sanctions « qui mordraient », c’est à dire susceptibles d’un effet réel.

 

La procrastination dans laquelle Obama s’enferme constitue donc, pour l’influent quotidien, une double erreur : d’une part, jamais le régime des mollahs n’a été « plus vulnérable à des pressions extérieures », en raison de ses « turbulences économiques et politiques » ; d’autre part, Téhéran pourrait tirer profit d’un tel délai pour parachever son programme nucléaire actuel, et procéder à l’essai d’une première bombe, même rudimentaire.

 

Dès lors, que faire ? « Si le Conseil de sécurité ne peut pas agir vite, les Etats-Unis et leurs alliés devront imposer leurs propres sanctions. Il faudrait qu’ils préparent cette option dès maintenant ».

 

Que le New York Times, d’entre tous les journaux américains, endosse cette analyse, cela mérite réflexion. Fondé en 1851, ce « quotidien de référence », souvent qualifié de « Vieille Lady Grise », joue à peu près aux Etats-Unis le rôle qui a longtemps été dévolu au Times tout court en Grande-Bretagne, ou bien au Temps et à son successeur Le Monde en France : un média élitaire, élitiste, mais en même temps « éclairé » .

 

Racheté en 1896 par une famille juive d’origine allemande, les Sulzberger, le New York Times a toujours professé un souci réel des droits de l’homme et une aversion pour toutes les formes de racisme, à commencer par l’antisémitisme. Mais ces engagements l’ont également conduit, par la suite, à se rapprocher du centre-gauche (ce que l’on appelle en Amérique les « libéraux ») puis de la gauche proprement dite (les « radicaux »).

 

Depuis la guerre du Vietnam, il a été le plus souvent hostile à la « politique de puissance » des Etats-Unis, qu’il s’agisse de combattre les régimes totalitaires communistes ou de résister à l’islamofascisme : avec l’ineffable candeur de ces kantiens dont Jean-Paul Sartre disait qu’ils avaient les mains pures, mais pas de mains, il préconisait une gouvernance mondiale – gérée par l’Onu ou quelque « forum » informel, Trilatérale ou Davos – réconciliant l’Est et l’Ouest, le tiers-monde et les pays riches, l’islam et la démocratie occidentale.

 

De même, tout en défendant le droit d’Israël à l’existence, il a soutenu, dans ce pays, la gauche  contre la droite ; et souvent manifesté une extrême compréhension envers toutes les formes de nationalisme arabe ou d’islamisme. Certains de ses éditorialistes, comme le couple infernal Flora et Anthony Lewis, ont fait plus pour légitimer Yasser Arafat que tous les médias arabes et islamiques réunis. Plus récemment, le New York Times a souvent donné la parole à la minorité qui, dans la communauté juive américaine, prend ses distances avec Israël, notamment l’organisation  J Street. Et bien naturellement, il a soutenu en 2008 la candidature de Barack Obama, comme on soutient une sorte de messie qui résume tout ce que l’on a fait et cru pendant des générations. 

 

Or ce même New York Times critique aujourd’hui Obama, lui recommande d’ignorer l’Onu et d’agir vite, très vite, contre l’Iran, quitte à ressembler de trop près à son prédécesseur honni, George W. Bush.

 

Cela veut dire premièrement que l’élite « libérale » newyorkaise se réveille, ce qu’elle n’avait même pas réussi à faire entièrement après les attentats du 11 septembre 2001, qui pourtant la visaient directement (l’élite libérale washingtonienne emboîte d’ailleurs le pas, puisque le Washington Post réclame lui aussi, dès le 13 février, le renforcement des sanctions contre l’Iran)  ; deuxièmement, qu’Obama, abandonné par l’opinion américaine moyenne, comme le montrent à la fois les sondages et les résultats électoraux, l’est aussi par certains de ses alliés idéologiques les plus proches ; et enfin que l’heure est grave au Proche et au Moyen-Orient.

 

Car franchement, les Israéliens Benjamin Nethanyahu, Ehud Barak et Shimon Peres n’auraient pu obtenir à eux seuls une telle conversion de la Vieille Lady Grise. Il aura fallu que bon nombre de musulmans s’y mettent, Egyptiens, Saoudiens et autres, aussi menacés que les Israéliens par les Folamour de Téhéran.

 

© Michel Gurfinkiel, 2010

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