Michel Gurfinkiel

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Michel Gurfinkiel

USA/ Le plan Obama











 

 

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Le président américain a décidé de sacrifier Israël. Mais son opinion publique est fidèle à l'Etat juif. Et les Juifs américains – mieux vaux tard que jamais – se réveillent.

 











J’ai affiché la photo sur l’écran de mon ordinateur : Barack Obama devant le Mur des Lamentations, à Jérusalem. C’était pendant l’été 2008. Le sénateur de l’Illinois venait de gagner les primaires démocrates. Pour gagner les présidentielles, l’automne suivant, il lui fallait l’électorat juif. Paris, dit-on, vaut bien une messe : et la Maison Blanche, un détour par les vestiges du Temple de Salomon. Obama joua le grand jeu : kipa blanche, visage recueilli, supplique griffonnée sur une feuille de papier et glissée entre deux pierres massives. Le 4 novembre 2008, 77 % des Juifs américains votèrent pour lui.

 

 

 

Aujourd’hui, Obama affirme que Jérusalem-Est est un territoire palestinien occupé, et que les Israéliens n’ont pas le droit d’y habiter ou d’y construire. Par « Jérusalem-Est », il entend tous les quartiers et espaces qui, jusqu’au 5 juin 1967, étaient contrôlés par la Jordanie : qu’il se situent au centre, au nord, à l’est ou au sud de la Ville sainte. La Vieille Ville de Jérusalem en fait partie. Et le Mur des Lamentations aussi. Obama n’a donc pas hésité, afin d’être élu, à effectuer en 2008 une visite qu’il doit qualifier rétrospectivement, au regard de la politique qu’il applique aujourd’hui, d’illégale. Qu’on ne dise surtout pas que le président actuel des Etats-Unis n’avait pas encore saisi, voici deux ans, en tant que candidat, toutes les subtilités de la politique proche et moyen-orientale. Ce n’est pas parce qu’il prend la plupart des Juifs américains des idiots – à juste titre ? – qu’il en est lui-même.

 

 

 

J’ai affiché une autre photo sur mon écran : la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton à la tribune du lobby juif américain, l’Aipac, le 23 mars dernier. Elle y condamne les appels à l’émeute et à la violence que lancent les Palestiniens à la suite de l’inauguration une semaine auparavant de la nouvelle Synagogue de la Hurvah, sur l’emplacement de l’édifice originel, dynamité par les Jordaniens le 27 mai 1948. Mieux, elle y voit une « provocation », retournant ainsi contre les Palestiniens le mot que l’administration Obama vient d’employer contre Israël à propos d’un projet immobilier dans le quartier juif de Ramath-Shlomo, au nord de « Jérusalem-Est ». Mais la Hurvah, comme le Mur des Lamentations, se situe dans la Vieille Ville. Donc, selon la doctrine américaine actuelle, sur un territoire non moins occupé que Ramath-Shlomo. Qu’on ne dise surtout pas qu’Hillary Clinton ne voit pas la contradiction. Ce n’est pas parce qu’elle traite les Juifs américains en enfants qu’elle en est un elle-même.

 

 

 

Jérusalem-Est, pour parler net, n’est pas un territoire palestinien occupé. C’est un territoire disputé. Ce qui revient à dire que plusieurs parties peuvent y faire valoir leurs droits. Et qu’elles doivent parvenir, dans le cadre de la légalité internationale contemporaine, à un compromis par la négociation. Depuis 1967, les divers « processus de paix » israélo-arabes, sous l’égide des Nations Unies, des Etats-Unis ou de ce que l’on appelle le Quartet ou Quatuor (Onu, Etats-Unis, Europe, Russie), ont toujours admis cette règle. Mais Obama passe outre. Arguant d’un « échec » des négociations en cours, il a décidé, sans s’interroger sur les causes de celui-ci, notamment la guerre civile interpalestinienne entre Fatah et Hamas,  de « dicter » la paix au Proche-Orient. Aux dépens d’Israël.

 

 

 

Les premiers signes de ces choix stratégiques remontent au printemps 2009, c’est à dire aux premiers moments de l’administration Obama : qu’il s’agisse des déclarations et discours enamourés que le nouveau président prodigue à l’islam en général ou à l’Iran en particulier, ou des propos de certains de ses conseillers selon lesquels il faut « jeter Israël sous un autobus ».

 

 

 

Mais depuis quelques semaines, le rythme s’accélère. Le 21 mars, le journaliste David Ignatius, spécialiste des questions géopolitiques et – peut-être en raison de ses origines arméniennes – du Moyen-Orient, publie dans le Washington Post un éditorial où il affirme qu’il est temps que les Etats-Unis rejettent le « brouillard » où se complaisent les diplomates et d’ « énoncer clairement les principes de base qui doivent encadrer ces résolutions ». Il ajoute que ceux-ci ont été « avancés par Zbigniew Brzezinski ». L’homme, désormais octogénaire, qui fut voici une trentaine d’années le mentor de Jimmy Carter pendant sa campagne électorale de 1976 puis son grand vizir de 1977 à 1981, qui, en tant que tel, présida aux revers les plus cinglants que l’Amérique ait connu depuis sa fondation, de la communisation de la corne de l’Afrique à celle de l’Afghanistan, en passant par le déploiement de missiles nucléaires russes au cœur de l’Europe, la chute de l’Iran et la séquestration des diplomates américains de Téhéran, ne cesse en effet de se répandre en nouveaux plans proche-orientaux. Fin 2009, par exemple, il conseillait aux militaires américains d’abattre les avions israéliens qui tenteraient d’effectuer un raid contre l’Iran.

 

 

 

Le 7 avril, Ignatius, dans le même journal, apporte d’importantes précisions – qu’il n’a pu obtenir que des sources les plus autorisées et qui font donc de lui un simple porte-voix, pour ne pas dire « nègre », de l’administration. Obama, révèle-t-il, a élaboré un plan de paix quasi-définitif, au cours d’une réunion qui a eu lieu le 24 mars. Y ont participé : le général James Jones, président du Conseil national de sécurité d’Obama, anti-israélien convaincu ; Brent Scowcroft, dit le « papillon tête de mort », conseiller du président George Bush père, anti-israélien glacé et résolu ; Brzezinski ; Sandy Berger, ancien conseiller de Bill Clinton, relativement pro-israélien mais d’extrême-gauche ; Colin Powell, le militaire afro-américain d’origine jamaïcaine qui a dû toute sa carrière politique aux républicains et les a trahis en 2008 pour Obama ; Frank Carlucci, honnête dinausaure de l’époque Reagan, aujourd’hui lié à la Rand Organization, think-tank lié, entre autres, à l’Arabie Saoudite ; et Robert McFarlane, issu lui aussi de l’administration Reagan, persécuté pour son rôle dans l’affaire Iran-Contras, passé par une dépression prolongée, aujourd’hui chrétien mystique.

 

 

 

Le 11 avril, enfin, Brzezinski révèle le plan, toujours dans le Washington Post. Il s’agit de reprendre à la fois le plan Barak de l’été 2000, repris alors par le président américain Bill Clinton et envoyé aux orties, de l’aveu même de Clinton, par Yasser Arafat, et le « plan de paix saoudien de 2002 », ultime resucée de plans de paix concoctés depuis la fin des années 1960 par des diplomates américains pro-pétrole. Un lecteur superficiel y verrait une tentative sincère de concilier les vues israéliennes et arabes. Un lecteur averti y voit immédiatement Munich.

 

 

 

Voici le paragraphe le plus révélateur : « L’administration Obama doit faire savoir aux parties concernées que si son offre est rejetée par l’une des parties ou par les deux, les Etats-Unis saisiront le Conseil de sécurité des Nations Unies, déclenchant ainsi des pressions internationales sur la partie récalcitrante ».

 

 

 

L'humoriste Guy Bedos a fait rire toute la France avec un sketch où un gigolo d’une vingtaine d’années, marié à une octogénaire, dit : « Quand l’un d’entre nous mourra, je serai inconsolable ». Brzezinski aurait dû écrire, à la fin de sa tirade : « Déclenchant ainsi des pressions internationales sur la ou les parties récalcitrantes ». L’omission du pluriel est un aveu. Brzezinski ne peut viser qu’Israël. Car Israël seul peut être soumis à des sanction internationales, dans la mesure où la partie adverse – que Brzezinski présente, sans plus de précision, comme « les Palestiniens » – n’est pas membre de l’Onu ni même sujet, à ce jour, du droit international.

 

 

 

Israël est un Etat de type occidental (c’est à dire démocratique et soumis à la loi), inséré dans le système des Etats occidentaux. Les sanctions que décrétera Obama, et que l’Onu, ou ce qu’elle est supposée être en 2010,  ne manquera pas de valider, l’affecteront dans sa chair et ses os. Les Palestiniens, ou ce qu’ils sont censés être, appartiennent à un autre monde, sans démocratie ni loi. On peut gager que tous les Etats membres de la Conférence islamique, plus de cinquante Etats, refuseront d’appliquer des sanctions contre eux. Et que la plupart des Etats ou non-Etats du tiers-monde et de l’ancien second monde communiste, agiront de même.

 

 

 

Mais Obama et ses conseillers ont trop présumé de leurs forces. L’opinion publique américaine,  prise dans son ensemble, est favorable à l’Etat juif (à 63 % selon un sondage Gallup du 24 février 2010). Et l'opinion publique juive elle-même serait en train de se réveiller de ses errements. Selon un sondage McLaughlin & Associates du 14 avril, 42 %  seulement d'entre eux envisageraient de voter à nouveau  pour Obama en 2012, tandis que 46 % préféreraient un autre candidat.

 

 

© Michel Gurfinkiel, 2010

 

 

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