Le 26 septembre, les deux candidats à la présidentielle américaine ont fait assaut de courtoisie. McCain marque des points sur l’Irak et l’Iran. Mais sur la crise de Wall street?
Qui l’a emporté le 26 septembre au soir, lors du premier duel télévisé entre le candidat démocrate, Barack Obama, et son adversaire républicain, John McCain ? Selon CNN, ce serait Obama. La chaîne publie, à l’appui de cette affirmation, un sondage réalisé auprès de son audience juste après le débat : 51 % des personnes interrogées donnent l’avantage au sénateur de l’Illinois, contre 38 % au sénateur de l’Arizona. Mais que vaut cette enquête ? La fiche technique révèle que 41 % des personnes interrogées se sont définies comme démocrates, 30 % comme indépendantes et 27% seulement comme républicaines.
En d’autres termes, il s’agissait d’un public situé beaucoup plus à gauche que la moyenne américaine, et donc a priori beaucoup plus favorable à Obama. S’il y a un enseignement à tirer de ce sondage, c’est que 11 % de téléspectateurs qui ne se définissaient pas comme républicains ont préféré McCain.
D’autres sondages à vif (en américain, on les appelle des straw polls, des “sondages de paille”, ce qui les relativise sans que leur légitimité, en tant qu’instruments d’information, soit remise en question) donnent nettement l’avantage au sénateur de l’Arizona. C’est évidemment le cas du sondage réalisé pour Drudge Report, un site Internet conservateur dont la plupart des visiteurs sont eux-mêmes conservateurs,qui donne 75 % d’opinions favorables à McCain, contre 25 % à Obama.Mais le sondage effectué pour AOL.com, un site tous publics, confirme cette tendance : il attribue 63 % d’opinions favorables à McCain, contre 37 % à Obama.
Les commentateurs sont d’accord sur un point : c’était un débat d’une rare qualité, qui a fait honneur à la démocratie américaine. Les deux candidats ont fait preuve, l’un envers l’autre, de courtoisie, et même de camaraderie. Ils se sont donné l’accolade. Ils se sont appelés par leur prénom. Ils n’ont usé que d’arguments rationnels, raisonnés, raisonnables. Ils ont fait passer l’intérêt national avant les intérêts partisans. Exactement ce que l’Amérique attendait d’eux dans un contexte de crise majeure (la crise financière actuelle est l’équivalent, dans l’esprit de l’opinion publique, du krach de 1929). Sur ce plan,Obama l’a peut-être emporté d’une courte tête : Byron York,du magazine conservateur National Review, note que le jeune sénateur de l’Illinois a adopté une attitude « déférente » envers son vieil adversaire, et qu’il répétait sans cesse que ce dernier « avait absolument raison ». Nature profonde d’Obama, qui a toujours joué au nice guy, au “gentil garçon” ? Calcul, qui peut rapporter gros ? Difficile de trancher.
Mais il y a eu aussi des moments cruciaux, où les deux hommes se sont nettement opposés. Et là, McCain semble avoir dominé. On attendait le candidat républicain sur l’économie. Le naufrage d’un certain capitalisme n’était-il pas aussi celui du parti républicain, et le sien ? Les jours précédents, il avait, de façon assez spectaculaire, suspendu sa campagne pour faire son travail de sénateur, c’est-àdire convaincre l’aile droite républicaine, au Congrès, de soutenir le plan de sauvetage de l’économie mis en place par George Bush. Il croyait y être parvenu, mais ce plan, qui implique une intervention momentanée mais importante de l’État, n’était toujours pas ratifié en début de semaine.
Mais dans le débat avec Obama, la politique internationale a finalement primé sur le reste.McCain a défié son adversaire sur l’Irak, moins pour lui reprocher son opposition à la guerre que pour n’avoir pas imaginé un instant que l’Amérique pouvait la gagner. Et surtout sur l’Iran : « Vous dites, Barack, que vous allez engager le dialogue avec Ahmadinejad. Nous voyons tous la scène : Ahmadinejad vous explique qu’il veut éradiquer Israël de la surface du globe, et vous lui dites, d’un air indigné, qu’il ne peut pas être sérieux. » Obama n’a rien répondu. McCain, à ce moment, l’avait emporté dans le coeur et l’esprit des Américains, qui n’oublient ni ne pardonnent la prise d’otages de Téhéran, en 1979, la participation de l’Iran à toutes les formes de terrorisme, l’intolérance des mollahs envers tous les non-musulmans ou leur antisémitisme recuit.
© Michel Gurfinkiel & Valeurs Actuelles, 2008