Michel Gurfinkiel

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USA/ L'analyse Ben Smith

La moitié des juifs démocrates n’avaient pas vraiment fait confiance à Obama en 2008. Oseront-ils passer chez les républicains en 2012 ?

A l’origine du débat, une analyse de Ben Smith, parue le 29 juin dans le journal en ligne Politico . Smith, un journaliste « néoconservateur », affirme que les Juifs américains, de tradition démocrate, ne se mobiliseront pas pour la nouvelle campagne présidentielle de Barack Obama en 2012. Et que certains d’entre eux envisageaient même de voter républicain.

 

Les médias de gauche l’ont pris d’assez haut. Avec un argument incontestable, mis en avant par Paul Waldman dans The American Prospect : cela fait quarante ans qu’on annonce un « virage à droite » de la communauté juive américaine ; mais celui-ci n’a jamais touché que quelques milieux marginaux – les intellectuels dits « néoconservateurs », justement (le « néo » indiquant que, nés à gauche, il se sont ralliés à la droite sur le tard), ou une partie des synagogues orthodoxes. Electoralement, les présidents républicains les plus pro-israéliens ne sont jamais parvenu à drainer une majorité au sein de la communauté juive : Ronald Reagan, dans les années 1980, n’y a obtenu que 39 % des suffrages, et George W. Bush, dans les années 2000, qu’un peu plus de 20 %. Alors que les présidents ou candidats démocrates les moins pro-israéliens obtenaient toujours, au finish,  les deux tiers ou les trois quarts des suffrages. Barack Obama, en dépit des préventions dont il faisait l’objet, a obtenu 78 % des voix juives en 2008.

 

Mais Ben Smith, avant d’écrire, s’est livré à une enquête minutieuse auprès de militants ou de sympathisants juifs démocrates. Ces derniers, précise-t-il,  «  se situent nettement à gauche de Netanyahu sur certaines des questions fondamentales relatives à Israël », soutiennent les accords d’Oslo et sont persuadés de la nécessité de créer le plus vite possible un Etat palestinien. Leur malaise n’en est que plus significatif : « Nous sommes dans un moment de grande tension », explique Neil Cooper, rabbin d’une synagogue « traditionnelle » (non-orthodoxe) de la côte Est. « D’un côté, Israël, si isolé dans le monde. Et de l’autre, l’administration Obama qui exerce de telles pressions à son encontre ». Scott Matasar, un avocat de Cleveland, confirme : « C’est le discours du 19 mai, où Obama a endossé l’idée d’un retour aux lignes de 1967, qui a choqué… Ce discours était empreint d’une trop grande partialité envers les Palestiniens… Et la façon dont la doctrine présidentielle était assénée à Netanyahu n’arrangeait rien… »

 

En fait, bon nombre de démocrates d’origine juive avouent qu’ils n’ont voté Obama en 2008 que « par défaut ». Smith cite Betsy Sheerr, une militante démocrate de Philadelphie : « Beaucoup de gens disent : ‘Ah si seulement Hillary Clinton avait été élue à la place d’Obama’ ». C’est seulement après la victoire d’Obama aux primaires que la plupart des Juifs démocrates se sont ralliés à lui. Sous l’influence de personnalités en qui ils avaient confiance, comme Dennis Ross, l’ancien représentant spécial de Bill Clinton au Moyen-Orient. Joe Wolfson, également de Philadelphie, note : « J’avais été voir Ross à une conférence. Il nous avait assuré qu’Obama serait OK…Mais nous constatons aujourd’hui que Ross a été placardisé au profit d’autres conseillers, beaucoup plus hostiles à Netanyahu ». Selon Smith, l’électorat juif démocrate fondra de moitié en 2012, si ces « obamistes par défaut » se retirent sur l’Aventin.

 

Un signe avant-coureur : la faible mobilisation des donateurs. C’est aujourd’hui, six mois avant les primaires et un an avant les conventions des deux grands partis, que l’on collecte, dans les deux grands partis, les « trésors de guerre » des candidats. Plus un candidat dispose d’un budget important, notamment en termes de communication, plus il a de chance de l’emporter. Dans cette course, le rôle des Juifs, plus enclins aux donations à caractère charitable ou politique que les autres communautés, est essentiel. « Nous allons collecter des tonnes d’argent », observe Daniel Berger, un avocat totalement acquis à la cause d’Obama. « Mais je ne sais pas si nous atteindrons tous nos objectifs ».

 

Les Juifs américains passeront-ils pour autant du côté républicain ? Tout dépend du candidat qui, à droite, émergera des primaires : il faudrait, de l’avis général, quelqu’un qui combine un grand charisme personnel avec un engagement exceptionnel pour Israël. Sarah Palin, qui fut la cocandidate de John MacCain en 2008, garde des atouts à cet égard. Mais une autre femme vient de s’imposer dans le débat interne républicain : Michele Bachmann, députée du Minnesota, l’un des leaders du mouvement ultra-conservateur Tea Party. En quelques semaines à peine, cette avocate de cinquante-cinq ans, de confession luthérienne, excellente oratrice, s’est imposée en tête de divers sondages. Son attachement à Israël est « viscéral » : elle a été volontaire dans un kibboutz au lendemain de la guerre du Kippour, en 1974 ; et elle y est retournée plusieurs fois. « Je me réclame, en tant que chrétienne, de la tradition juive », déclare-t-elle. « C’est en Israël que se trouvent les racines de ma foi ».

 

(c) Michel Gurfinkiel, 2011

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