Michel Gurfinkiel

Michel Gurfinkiel

Michel Gurfinkiel

Dinard/ Au hasard des rencontres

Natifs du lieu ou venus d'ailleurs. Cinq instantannés.

Quel carrefour, Dinard ! Et quelles aventures, derrière chaque visage rencontré… Du pilote de chasse au  navigateur solitaire, en passant par le cinéphile, le critique d'art et l'écuyer…

Ronald Frankel

Pendant la guerre, il fut pilote sur les bombardiers de la RAF. Marié à une Bretonne, père et grand-père de Franco-Britanniques, il n’avait d’autre choix que de devenir le consul de Sa Majesté à Dinard. Un rôle dans lequel la plupart de ses prédécesseurs, depuis Alpyn Thomson et Robert Monteith au milieu du XIXe siècle, se sont illustrés, et qui reste essentiel aujourd’hui encore : les Britanniques restent particulièrement nombreux dans la station. Il se félicite de l’entrée de son pays dans l’Union européenne : " Cela facilite incroyablement les choses quand on veut s’établir ici. Je me rappelle les formalités byzantines par lesquelles ma femme et moi nous sommes passés dans les années cinquante, après notre mariage. En matière de nationalité, de fisc, de propriété. Sans parler du change ". Les autres Européens du Nord, à commencer par les Allemands, sont nombreux en Bretagne. Mais à Dinard, c’est toujours l’Entente Cordiale.

Thierry de la Fournière

Rennais d’origine, il a créé Nouvelles Impressions, librairie et maison d’éditions, un lieu central à Dinard. Mais c’est surtout, depuis 1990, le président du Festival du Film britannique, devenu en treize ans l’un des trois grands festivals cinématographiques organisés en France, avec Cannes (international) et  Deauville (cinéma américain). " J’ai toujours adoré le film britannique. Mais en 1990, il était presque moribond : quarante films par an, contre plus de cent cinquante en France. Et ce que je ne voulais surtout pas, c’était me cantonner à la rétrospective. " Heureux hasard : les années quatre-vingt-dix voient le grand retour de cette école nationale. " Au début, nous traitions le Royaume-Uni, l’Irlande et le Commonwealth. Aujourd’hui, avec quatre-vingt films par an dans les Iles britanniques, nous devons nous y limiter ". Dinard ouvre le film d’Outre-Manche à la distribution française, qui reste indépendante de Hollywood, et assure donc sa promotion réelle. De la Fournière reste discret sur le XIIIe Festival, en octobre prochain, qui sera présidé par Michel Blanc. Il annonce cependant " un film extraordinaire sur Napoléon, d’après un roman de Simon Leys ". Et une initiative franco-britannique qui pourrait faire du bruit : le Conseil national de la Cinématographie (CNC) et le British Film Council ont patronné six cours métrages croisés, trois français, trois anglais, sur des scénarios identiques.

Didier Séguret

Depuis six ans, il dirige Dinard Equitation, le centre hippique créé en 1972 à Port-Breton : dix hectares, deux manèges (dont un olympique), trois carrières et un spring garden (comportant des obstacles naturels). Une fonction à laquelle il est bien préparé : il est titulaire de deux médailles d’argent  au championnat du monde, mais aussi de deux médailles d’argent et d’une médaille de bronze au championnat d’Europe, et a participé aux Jeux olympiques de Barcelone. " La première société hippique de Dinard a été fondée en 1912. Il y avait des courses sur la plage, devant le Casino, et aussi un hippodrome. Une tradition solide. " Pour autant, l’art équestre évolue, et Séguret s’en félicite : " Le cheval, autrefois, était lié au monde militaire, ou à une certaine aristocratie, ce qui était la même chose. Aujourd’hui, c’est une activité ludique, destinée avant tout à réconcilier l’homme et la nature ". L’une de ses fiertés : l’initiation des enfants : " Regardez, à quatre ans, ce bout de chou tient sur son poney, s’amuse avec lui. C’est ce contact qui est important ". Dinard Equitation entretient en temps normal une trentaine de chevaux et quarante-cinq poneys. L’été, soixante chevaux et cinquante poneys. Nombreux sont les vacanciers qui mettent leurs montures " en pension " au Centre.

Bruno Reibel

Normand de Vernon, il s’est pris de passion tout jeune pour la Bretagne et la mer. Le 9 novembre prochain, il s’embarque à Saint-Malo sur le Ville de Dinard, un bateau de 1981 qu’il a lui-même rénové, pour la Route du Rhum. Une sorte de révolution – Dinard, jusqu’à présent, laissait la haute mer à sa rivale – et une aventure technologique : " Nous avons mis sur point, avec des étudiants dinardais et malouins, un système de pilotage automatique par internet. Si cela marche, et il marchera, le procédé sera commercialisé. " Reibel sait à quoi il doit s’attendre : " Le plus dur, ce n’est pas la nourriture et l’eau, c’est le sommeil. Pendant la première semaine de traversée, quand je contournerai la Bretagne puis franchirai le golfe de Gascogne, je ne dormirai pratiquement pas. Trop de bateaux à éviter, trop de pêcheurs à esquiver. Ensuite, cela ira mieux. Mais justement… " Le coût de la participation à la Route du Rhum est prohibitif. Aidé par la municipalité et par une entreprise locale, TAT Industries, Reibel a joué l’économie absolue : " Je serai sans doute le dernier petit navigateur à m’y engager. C’est d’autant plus passionnnant. " Le moment le plus exaltant : " Le départ, quand je filerai au large de Dinard et que tout le monde sera sur la côte pour m’applaudir… Et ma victoire. Dans ma catégorie, au moins, car je le sais déjà, j’y suis le seul ".

Elie Szapiro

La médecine mène à tout. Marié à une critique d’art, Elie a fini par abandonner son cabinet parisien pour se consacrer uniquement à ses galeries, toutes baptisées Saphir : deux à Paris (le Marais et avenue de Villiers), une à Dinard et une galerie-librairie à Bécherel, à l’intérieur des terres. Avec le temps, il se sent d’ailleurs plus Dinardais que Parisien : il est aujourd’hui adjoint au maire dans sa commune d’adoption. Spécialiste de l’Ecole de Paris et de l’art du XXe siècle, il s’attache aussi à promouvoir les artistes bretons : " Incroyablement doués, novateurs… " La dimension que prend Dinard sur le plan artistique l’enchante : " Les grandes expositions de ces trois dernières années nous ont vraiment mis sur la carte. J’attends beaucoup de notre projet sur le japonisme, l’année prochaine. C’est en Bretagne qu’ont travaillé la plupart des grands peintres de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle marqués par l’esthétique japonaise, si révolutionnaire par rapport aux concepts européens. De nombreux artistes ou intellectuels japonais les ont d’ailleurs rejoint, Foujita, mais aussi Yamamoto ou Sayonji, l’un des conseillers de la Cour impériale à l’époque Meiji. Imaginez les synergies que nous pourrions construire autour de ce thème. "
 

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