Scott Brown a été élu par l’Etat le plus obamiste d’Amérique un an jour pour jour après l’installation d’Obama à la Maison Blanche. Avec lui, les républicains retrtouvent leur minorité de blocage au Sénat. Double bonne nouvelle pour Israël.
La Révolution américaine a commencé dans le Massachusetts, voici un peu plus de deux cents trente-six ans, dans la nuit du 16 au 17 décembre 1773. Déguisés en Peaux-Rouges, soixante patriotes montent sur trois navires amarrés dans le port de Boston, et jettent par-dessus bord une cargaison de thé estimée à 10 000 livres sterling. Ils entendent ainsi protester contre une taxe que le parlement britannique vient de lever sur ce produit. C’est moins le montant de cet impôt qu’ils contestent – encore qu’il soit exorbitant – que son principe. Il n’y a pas de députés américains au parlement de Londres. Donc ce dernier ne saurait lever d’impôt en Amérique : « Pas de taxation sans représentation ». Ce serait aller contre les droits traditionnels des Anglais. Connue sous le nom de « partie de thé de Boston », Boston Tea Party, cet acte de rébellion civile débouche l’année suivante sur une révolution politique : la mise en place d’un parlement américain, le Congrès continental, qui se réunit à Philadelphie. En 1776, l’Angleterre ayant prétendu rétablir l’ordre par la force, les colonies américaines proclament leur indépendance.
Boston et le Massachusetts sont toujours restés, par la suite, au cœur d’un certain esprit révolutionnaire américain. La ville et l’Etat prennent position pour l’abolition de l’esclavage dès le début du XIXe siècle. Pendant la guerre de Sécession, le Massachusetts est l’un des premiers Etats à répondre aux ordres de mobilisation du président Abraham Lincoln. Et le premier à organiser un régiment mixte, soldats noirs et officiers blanc : le 54e régiment volontaire d’infanterie.
Dans les années 1950 et 1960, cette tradition ressuscite avec les Kennedy : John, d’abord, qui est sénateur du Massachusetts avant d’être élu président ; puis Ted, qui le remplace en 1962. En fait, le Massachusetts sera pendant un demi-siècle l’Etat le plus à gauche des Etats-Unis. 45 % des électeurs s’y déclarent officiellement démocrates, 15 % seulement républicains. De 1972 à 2010, il n’a envoyé que des démocrates aux deux Chambres du Congrès, à commencer par Ted Kennedy, constamment réélu jusqu’à son décès. En 2008, le démocrate Barack Obama y obtient 57 %, et le républicain John MacCain 35,7 % seulement, alors que les moyennes nationales sont respectivement de 52,9 pour le premier et de 45,7 % pour le second. La branche locale du parti démocrate se réclame de la social-démocratie : ce que n’osent faire aucune autre branche dans le reste du pays. Au progressisme politique s’ajoute celui des « styles de vie » : en 2004, le Massachussetts est le premier Etat américain à légaliser le mariage entre personnes du même sexe.
Mais une révolution peut en chasser une autre. Les anciennes peuvent s’ossifier et provoquer, par réaction, un nouveau mouvement de protestation.
Après l’élection d’Obama, des Américains qui s’inquiètent de l’extrémisme du nouveau président ou de son entourage lancent un « Mouvement de la Partie de Thé » : une allusion transparente aux événements qui se sont produits à Boston en 1773. Et puis mardi dernier, c’est le choc. Le Massachusetts doit élire le remplaçant de Ted Kennedy, décédé fin 2009. C’est le candidat républicain, Scott Brown, qui l’emporte. Par 52 % des voix contre 47 % à la candidate démocrate. Brown est un républicain conservateur. Mais il se réclame du peuple : « Mon nom est Scott Brown, j’habite Wentham, je roule en camionnette et je ne suis le sénateur de personne, sauf vous » – a-t-il déclaré au moment où on lui annonçait sa victoire. Ces propos ont été ressentis sincères et véridiques par l’électorat. Ce qui signifie, a contrario, que la phraséologie d’Obama et des siens ne l’est pas.
Brown a été élu par l’Etat le plus obamiste d’Amérique un an jour pour jour après l’installation d’Obama à la Maison Blanche. Avec lui, les républicains retrouvent leur minorité de blocage au Sénat (plus de 40 sièges sur 100). Ce qui modifie totalement l’équilibre des pouvoirs à Washington. Double gifle. Double avertissement.
Pour Israël, et pour tous ceux, dans le monde, qui considèrent la survie d’Israël comme une priorité, double bonne nouvelle. Les républicains sont aujourd’hui, au Congrès américain, les meilleurs soutiens de l’Etat hébreu. Et un Obama fragilisé y pensera désormais à deux fois ou même à trois avant d’ouvrir un nouveau « dialogue » avec l’islam radical.
Scott Brown a fait connaître son opinion sur Israël au mois de décembre. « J’ai toujours soutenu les liens importants qui existent entre les Etats-Unis et l’Etat d’Israël », observait-il. « Nos deux pays partagent un ensemble de valeurs nationales essentielles telles que l’attachement à la démocratie, à la vie, aux libertés individuelles, à la foi religieuse et au respect de toutes les croyances, à l’esprit d’entreprise et à une vision d’un avenir de paix… Si je suis élu au Sénat des Etats-Unis par le peuple du Massachusetts, je resterai ferme dans mon soutien et agirai en conséquence… Je suis pour le droit d’Israël à se défendre… Je soutiens la résolution 10 du Sénat qui réaffirmait ce droit pendant l’opération Plomb Fondu… Je m’oppose aux tentatives tendant à limiter ce droit, telle que le rapport Goldstone… Je soutiens la barrière de sécurité… le maintien de l’aide militaire américaine à Israël… Je considère que la politique iranienne actuelle constitue une menace vitale pour Israël et un danger pour la sécurité des Etats-Unis… Une vraie paix exclut tout retour aux frontières de 1967… et la reconnaissance de Jérusalem comme la capitale indivisible d’Israël ».
Le peuple du Massachusetts a ratifié. A plus forte raison l’Amérique.
© Michel Gurfinkiel, 2009